LA LOI DALO

Publié le par grouni

 

LA LOI DALO

Droit Au Logement Opposable

 

 

 

 

Introduction

La problématique du logement est depuis longtemps une préoccupation récurrente. Une partie de la population vit dans la précarité, qu'elle soit sans logement ou dans une situation de mal-logement. Les pouvoirs publics se doivent d'y trouver des réponses adéquates. Depuis plusieurs années les lois concernant cette problématique s’enchaînent et pourtant encore de nos jours, des êtres humains vivent à la rue ou dans des situations extrêmement difficiles.

 

Nous verrons pourquoi cette loi a été mise en place, dans quel contexte. Qu'est-ce qu'elle est censée apporter théoriquement. Quels en sont les enjeux politiques et sociaux. Puis concrètement, comment est-elle perçue sur le terrain. Enfin, le bilan qui en est fait au cours de ces dernières années.

 

I- Contexte

Depuis plusieurs années les pouvoirs publics ont tété de mettre en place des lois afin de garantir un logement pour tous y compris pour les plus démunis. C'est un droit qui découle du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, précisément dans les alinéas 10 et 11 où il est reconnu que tout être humain, particulièrement les mères, enfants et vieux travailleurs ont droit de vivre dans les conditions suffisantes leur permettant un développement social satisfaisant. Le 22 juin 1982, la loi Quilliot fait de l'habitation un droit fondamental, puis la loi Mermaz du 6 juillet 1989, enfin la loi Besson le 31 mai 1990 qui confirme que « le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation » . Le 19 janvier 1995, le Conseil Constitutionnel énonce que tout être humain a droit à un logement décent (sauf pour les nomades). La loi SRU du 13 décembre 2000 réaffirme ce droit. Or, l'INSEE, en 2001, dénombre environ 3 million d'individus sans logement ou vivant dans une situation de grande précarité1, malgré le fait qu'il soit difficile de les comptabiliser.

Sur le terrain, les intervenants sociaux ainsi que les élus constatent l'accroissement des difficultés dues au logement. Cela pouvant s'expliquer par l'envolée des prix de l'immobilier ainsi que par l’insuffisante construction de logements sociaux. Les centres d'accueils sont saturés, les listes d'attente concernant ces logements s'allongent, les personnes arrivant sur une structure d'hébergement d'urgence ayant peu de chance de trouver un logement durable. De plus, un grand nombre de ménage consacre la quasi totalité de son capital au logement ce qui de fait les mets dans une situation de précarité:difficulté à payer l'électricité, nourriture, frais de la vie quotidienne.

L'hiver 2006 voit arriver dans les plus grosses villes de France les « enfants de Don Quichotte ». Apparaît à Paris sur les berges de la Seine ainsi que du Canal St Martin leurs tentes habitées par des sans domicile fixe. La misère mise a nu n'est jamais belle à voir. Illustration dérangeante de ce que vit une partie de la population. Dérangeante principalement pour l’État qui ne souhaite pas donner cette image aux innombrables touristes qui viennent y visiter la capitale. Mise à part les expulsions de ces tentes par les forces de l'ordre, cette action a tout de même permis à faire réagir les décideurs. C'est dans un contexte de crise du logement sans précédent que la loi DALO fait son apparition. Le slogan, proclamé au cours des mobilisations par différentes associations telles que celles des « Enfants de Don Quichotte » ainsi que d'ATD Quart-monde...« Un toit c'est un droit » prend forme dans la loi du 5 mars 2007 entrée en vigueur le 1er janvier 2008. Cette loi désigne l’État comme garant du droit au logement.

De plus le droit au logement est une préoccupation de plusieurs pays et s'inscrit dans nombres de textes législatifs, constitutionnels ou à valeur constitutionnels ; y compris dans des textes internationaux des droits de l'Homme ainsi que dans la Charte sociale européenne. Nous pouvons d'ailleurs lire dans le Pacte internationale relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, à l'article 11 : « Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu'à une amélioration constante de ses conditions d'existence. Les États parties prendront des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit et ils reconnaissent à cet effet l'importance essentielle d'une coopération internationale librement consentie »2. Les Principes 15 des Principes de Jogjakarta réaffirme ces principes dans un document sur le droit international des droits de l'Homme que « toute personne a droit à logement convenable, y compris à une protection légale contre l'expulsion, sans discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre. »3

Tous ces actes juridiques énoncent des principes que les pays membres sont censés mettre en place. Il appartient à chacun de ces États de les inclure dans sa juridiction et ainsi d'y apporter sa compréhension, sa lecture et d'y mettre les moyens financiers et humains.

L’État français se voit dans une certaine obligation de faire quelque chose. Le soulèvement social, les appels par diverses associations, qui sont, de plus, fortement médiatisés, ainsi que l'Europe demandent à ce que cela soit le cas.

 

 

 

II- DALO fait son chemin

Le droit au logement opposable se fait d'actualité dès 2003, en effaçant, quelque part, la couverture logement universelle, dans les discours politiques. Cette même année ATD Quart-monde propose une plate-forme de réflexion puis en 2004, s'en suit une manifestation revendiquant le droit au logement opposable dans les grandes villes françaises. 51 associations, autour d'ATD Quart-monde se mobilisent et font parler d'elles.

L'été 2005, tous les médias le diffusent : des incendies dans plusieurs immeubles délabrés tuent plusieurs familles et individus. Ces habitants n'ayant que très peu de moyens ne pouvaient accéder à un logement décent malgré le fait que plusieurs lois encadrent ce problème.

Christine Boutin dépose le 28 septembre 2005 une proposition de loi qui reste sans suite. Le 11 avril 2006, le gouvernement rejette le DALO proposé par les parlementaires socialistes. Pourtant il demande à ce que les collectivités locales expérimentent ce principe, influencé par le Conseil national de lutte contre l'exclusion.

L'hiver 2005, les « Enfants de Don Quichotte » font leur place.

Le gouvernement se pose toujours une question : est-ce de la responsabilité de l’État ou des collectivités locales ?

Enfin, face aux pressions, le président de la république, Jacques Chirac promet lors de ses vœux de fin d'année 2006 la création d'une loi concernant le DALO.

Le 5 mars 2007, la loi n°2007-290 institue « le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale »4

Est mis en place un comité de suivi avec Christine Boutin (ministre du logement et de la ville) et Xavier Emmanuelli (président du comité, fondateur du SAMU social de la Ville de Paris ).

La loi DALO entre en vigueur le 1er janvier 2008.

 

 

 

III- La loi DALO

Elle concerne toute personne de nationalité française ou résident sur le territoire de façon régulière.

Elle s'applique à toutes personnes ayant fait des démarches dite normales de logement ou d'hébergement, au préalable.

Les conditions d'accès sont définies par décret :

  • n'a pas reçu de proposition de logement adaptée à sa demande de logement social dans un délai dit « anormalement long » et fixé par arrêté préfectoral dans chaque département.

  • est dépourvue de logement (y compris les personnes hébergées chez des tiers)

  • est menacée d'expulsion sans solution de relogement en perspective

  • est logée dans des locaux impropres à l'habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux

  • vit dans une structure d'hébergement de façon continue depuis plus de six mois ou dans un logement de transition depuis plus de dix-huit mois

  • est logée dans des locaux non décents ou sur-occupés, si la personne est elle-même handicapée ou s'il y a au moins une personne mineure ou handicapée à charge.

  • Peut faire un recours en vue d'obtenir un hébergement ou un accueil dans une structure adaptée (logement foyer...) toute personne qui a besoin d'un tel accueil (sans condition relative aux titres de séjour).

Elle s'appuie sur un recours amiable et contentieux.

La démarche à suivre étant de déposer un formulaire à la préfecture. Il sera examiné par une commission départementale de médiation qui décidera si la demande est prioritaire ou non, au regard de la loi. L'individu peut faire appel à un travailleur social ou une association pour l'aider à remplir ce formulaire et obtenir les pièces justificatives dont il a besoin.

Deux formulaires DALO disponibles en préfecture, sous préfecture ou sur internet (www.infodalo.fr) :

  • formulaire hébergement : le délai d'instruction est de six semaines et il n'est pas nécessaire d'être en situation régulière au regard du droit des étrangers.

  • formulaire logement : pour cela il faut correspondre au moins à une des conditions d’accès citées précédemment, être en situation régulière depuis au moins deux ans au regard du droit des étrangers, ne pas vivre dans un logement décent ou ne pas pouvoir s'y maintenir par ses propres moyens.

Le secrétariat de la commission de médiation envoie par courrier avec Accusé de réception un numéro d'enregistrement du dossier, à conserver. Il indique également la date à partir de laquelle les délais sont expirés.

Le préfet se doit de proposer un logement en fonction des besoins et des capacités de l'individu. Si ce dernier refuse pour des raisons qui lui sont personnelles mais qui ne sont pas reconnues comme valable, il peut perdre le bénéfice du droit au logement opposable.

Si la demande est reconnue non prioritaire ou si malgré le fait qu'elle le soit, aucune proposition n'a été faite dans un délai de six mois pour un logement ou de six semaines pour un hébergement, la personne concernée dispose du recours contentieux (sur une durée de quatre mois à partir de la date expirée donnée par le préfet), exercé devant les tribunaux administratifs.

 

III-Bilans

Les critiques sont mitigées et correspondent à une certaine réalité sur le terrain. Plusieurs points sont à prendre en considération :

  • La région où l'on se situe. En effet, en province, le DALO fonctionne dans le sens où les personnes considérées comme prioritaires ont été relogées, en majorité. Or, le 31 mars 2010, le comité de suivi recense que seulement 51% des ménages qui ont reçu une réponse favorable ont été relogé. De plus, il informe des nombreuses disparités entre régions ou départements. Bernard Lacharme, rapporteur du comité de suivi, fait remarquer que « Certains départements comptent peu ou pas de recours, les outils mis en place en amont permettant de loger des personnes en difficulté ; d'autres, comme la Loire-Atlantique, enregistrent de nombreux recours et relogement. Le préfet y organise des réunions durant lesquelles les bailleurs se répartissent les dossiers des personnes reconnues prioritaires au DALO. En revanche, l'Etat est en échec sur la mise en œuvre de la loi à Paris et en Île-de-France, région qui concentre pourtant 60% des recours »5 Des difficultés sont également observées en Guyane, dans le Var, les Bouches du Rhône ainsi que dans les Alpes-Maritimes.

  • La formation : dans de nombreux départements les travailleurs sociaux ne sont pas formés à la loi DALO ce qui pose un problème pour informer l'usager de ses droits et l'accompagner dans ses démarches.

  • Le Droit à l'Hébergement Opposable (DAHO) : certaines personnes vivant dans une situation de marginalité et de grande précarité ont besoin, avant d'avoir accès à un logement autonome, de passer par un « sas de transition ». Le comité de suivi s'est rendu compte que beaucoup se trompait de formulaire. Au lieu de prendre celui permettant le droit au logement (le DALO), remplissait le formulaire DAHO, qui est une disposition de la loi mais qui ne concerne que des situations bien précises.

  • Les pratiques divergent entre régions. A Paris, la personne devient prioritaire dès la menace d'expulsion alors que dans d'autres régions, il faut attendre le concours des forces de l'ordre pour que se soit le cas.

 

Conclusion

A l'évidence ce n'est pas parce qu'un texte rentre dans la juridiction du pays qu'il en devient applicable. Aujourd'hui, 14% de la population française vit sous le seuil de pauvreté et environ dix million de personnes vivent sans domicile fixe ou sont mal-logées. Dans 37 départements, le taux de demandes de logements a augmenté entre 2011 et 2012 de 37%. Les dispositifs sont saturés depuis de nombreuses années et les réponses négatives pour absence de place disponibles sont, pour l'année 2012, de 78%. Les hébergements d'urgences, le 115 ainsi que toutes les associations qui prennent en charge la problématique du logement sonnent la sonnette d'alarme et demandent de l'aide à l’État.

On peut ainsi comprendre que certains prénomment cette loi de « loi Molle ». Dans le sens où les personnes qui ont pu être relogées ne restent, depuis la mise en place du DALO, qu'une minorité particulièrement sur l’Île-de-France. Je n'ai, par ailleurs, pas trouvé de statistiques concernant le nombre d'individus, pris en charge par la loi DALO, qui restent logés durablement. C'est pourtant une grande préoccupation de terrain lorsque l'on sait qu'une personne qui touche le RSA a peu de chance de pouvoir garder un logement dit décent vu la montée des prix de l'immobilier en location.

De plus, Bernard Lacharme se prononce également contre les expulsions des ménages reconnus prioritaires : « l’État a l'obligation de reloger, il est inadmissible qu'au lieu de cela, il les expulse en faisant appel à la force publique. Cela relève d'un dysfonctionnement de ses services »6

Cécile Duflot, qui est l'actuelle ministre au logement, se dit elle même « muselée » et ne fait que suivre la politique de la majorité : « c'est donc au Centre d'Analyses Stratégique du Premier Ministre que nous sommes venus porter notre colère et nos revendications, pour qu'enfin une réponse soit apportée d'urgence au mal-logement. »7Elle a proposé une loi qui ,mise à part le gèle des prix de l'immobilier, met une certaine pression aux collectivités territoriales à construire des logements sociaux. Pourtant, nous savons que de nos jours les parcs HLM ne sont, en réalité, habités en grande partie par la classe moyenne, ce qui pose un réel soucis pour les personnes subissant la pauvreté. Nous sommes bien loin de la solidarité nationale revendiquée par la loi Besson et pourtant le nombre de personnes vivant sans logement ou dans des logements précaires ne fait qu’accroître.

 

Grouni!

 

Bibliographie :

1INSEE-Enquête nationale sur le logement – 2001

2 Pacte internationale relatif aux droits économiques, sociaux et culturels-article 11

3 Principes 15 des Principes de Jogjakarta-Le droit à un logement convenable

4Publiée au Journal Officiel du 6 mars 2007

5Lien Social-n°984-9 septembre 2010-page 12.

6Lien Social-n°984-9 septembre 2010-page 12.

7http://mal-logesencolere.20minutes-blogs.fr/tag/cecile+duflot

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